À propos du Konbit numérique
Un acte de souveraineté numérique : l'autogestion collective d’une infrastructure computationnelle.
Aborder collectivement la souveraineté numérique
Avec d’autres personnes et organisations et en collaboration avec Koumbit, Remix the commons développe une réponse collective aux besoins d’outils et d’infrastructures numériques. L’idée est d’assurer la pleine souveraineté numérique sur nos travaux, nos échanges et nos données en s’inscrivant dans la vision énoncée dans la Charter for Building a Data Commons for a Free, Fair and Sustainable Future.
Après avoir testé avec Koumbit hébergeur indépendant et solidaire de Montréal, notre capacité à mettre en place et gérer certains outils basés sur le libre et les communs sur un serveur partagé, nous avons conçu un dispositif de coopération sur un modèle proche de celui des AMAP, que nous appelons le Konbit numérique, en référence au konbit des paysans haïtiens. Le Konbit numérique est un prototype de « commun computationnel » au service des projets de commoners. Il propose une infrastructure de travail qui permet d’atteindre progressivement des objectifs d’indépendance et de souveraineté pour faire face aux besoins d’usages numériques.
Notre Konbit numérique est constitué par un groupe d’utilisateurs identifiés et un administrateur de serveur, coopérateur de Koumbit. Il repose sur un serveur de 6 To hébergé par Koumbit à Montréal, dans lequel sont installées les applications dont nous avons besoin, outils basés sur le libre et les communs : partage de fichiers, calendriers, gestion de taches, édition en ligne de documents textes, tableau, courriel, …et surtout ferme de wiki. Cela couvre une large part des usages numériques actuels de nos organisations.
L'histoire
Le konbit en-commun.net, une initiative de Remix the commons (qu'on appelle souvent Remix), existe depuis 2018. L'organisation étant fondée pour valoriser, par la pratique, le mouvement des communs, il lui apparaissait alors bien pertinent de collectiviser une réponse à ses propres besoins numériques : partage de fichiers, hébergement web et courriels, etc. On s'imaginait alors un serveur performant, où on installerait un ensemble de logiciels libres, pour constituer l'infrastructure numérique soutenant son fonctionnement.
Dès le départ, quatre personnes et une entreprise partenaire se sont donc entendues, à travers Remix, pour procéder à cette installation de leurs rêves. On écrit "à travers Remix" ici, parce que ces quatre personnes, dont une est propriétaire de l'entreprise partenaire, étaient toutes des membres de Remix. Une de ces personne, Yves Otis, allait faire office de coordonnateur technique, une autre éventuellement, Guillaume Coulombe, de coordonnateur social et administratif. De plus, Remix s'engageait à couvrir la part de la facture mensuelle du serveur que la contribution raisonnable des autres ne pourrait alors pas couvrir.
À ce moment, une entente entre Remix et Koumbit, un hébergeur web associatif et Montréal, a été prise pour la location d'un serveur physique très performant. Sur ce dernier, on installerait d'abord l'application de partage de fichiers et de collaboration Nextcloud, un serveur courriel, puis un serveur d'applications web variées comme les wikis et les blogues. Depuis, une dizaine d'autres personnes et organisations - des coopératives, des associations et des entreprises privées - ont joint le konbit en-commun.net. De nombreuses nouvelles applications complémentaires Nexcloud ont été ajoutés, un serveur de listes de diffusions aussi. De plus, la participation financière volontaire et équitable de chacun des membres couvre désormais l'ensemble de frais de maintien et de développement du serveur.
Gouvernance collective
Les utilisateurs prennent part à la gouvernance et autant que faire se peut à la maintenance du serveur. Le travail de l’administrateur du serveur est pris en charge par le collectif à travers un système de crédit temps d’intervention mensuel. Celui-ci inclue en plus du temps dédié à la maintenance du serveur, du temps réservé à des développements techniques futurs qui sera affecté en fonction des besoins du Konbit. L’idée est donc de préfinancer solidairement une infrastructure numérique dédiée au collectif. Cette infrastructure sort d’une logique capitaliste. Elle ne cherche pas à faire plus rentabilité pour extraire un profit, mais à satisfaire les besoins du collectif. Elle permet d’entamer un processus en vue de “degoogliser” nos pratiques numériques.
Chaque personne engagé dans les projets des partenaires, parties prenantes de cette initiative, a accès à cet espace et l’utilise dans le cadre de ses activités en lien avec les communs. Chaque partenaire peut contribuer à faire vivre et à assurer l’évolution du konbit en souscrivant une ou plusieurs parts de soutien solidaire (montant suggéré : 15 € – 20 $CAD par mois, ou selon les budgets et les besoins des projets), et selon le principe qui vise à découpler usage et commerce (principe 3 de la Charte mentionnée ci-dessus). Nous nous sommes fixé comme objectif d’élargir progressivement le premier collectif jusqu’à un équilibre entre besoin/capacité technique et financement/gouvernance. On estime que de 15 à 20 membres serait une taille du collectif intéressante. Puis d’autres Konbits pourraient voir le jour et permettre un fonctionnement de type fédéré.
Ne pas confondre un konbit numérique avec...
Le konbit numérique n’est pas une structure ouverte comme peut l’être un chaton (service en ligne ouvert à tous), encore moins un hébergeur alternatif. C'est avant tout une expérience d’autogestion d’infrastructure serveur par ses usagers. Il est encore un peu tôt pour tirer des leçons de cette démarche, mais on peut penser que cette initiative permet aux organisations d’inscrire la souveraineté numérique dans le cadre de leur réflexion sur la transition... et de passer à l’acte. Nous espérons que l’accompagnement de tels processus pourrait être un défi qui intéresse les libristes.